Avant d’être une chambre d’hôte ou une ruine sur le bord de l’autoroute, le mas était un habitat rural : une ferme. Les mas sont construits en s’adaptant aux enjeux naturels qui les entourent : le vent, la lumière, l’eau… Tout est pris en compte par les générations de constructeurs qui l’ont fait évoluer.
Chaque mas a son histoire. Je vous propose de partager ce que je sais d’un mas de Châteaurenard. Il a subi beaucoup d’agrandissements. Il se trouve au milieu d’un champ d’oliviers et d’autres terrains toujours agricoles.
Les façades de ce mas comportent tellement de reprises dans la maçonnerie qu’il est comme un cahier sans reliure. Remettre les pages dans le bon ordre est difficile. Par soucis de clarté, je vais m’en tenir à un seul scénario et ne pas m’étendre sur les autres possibilités ni les travaux des cinquante dernières années.
D’abord, quelques grands principes que l’on retrouve dans pratiquement tous les mas :
1. Le mas est construit sur une nappe d’eau ce qui permet aux arbres d’être luxuriants et de faire pousser facilement un potager.
2. Il est orienté en fonction du souffle du Mistral. Les murs qui reçoivent le vent sont dépourvus de fenêtres (la façade nord et les murs pignons). Une cour a été aménagée devant la façade sud. Elle comporte l’accès à l’eau (un puits) et deux platanes plantés devant la maison pour apporter de l’ombre l’été et laisser entrer la lumière l’hiver.
3. Il est construit avec des matériaux locaux : des pierres, de la chaux, de la terre. Le bois est réduit au strict minimum.
4. La maison tient grâce à deux murs porteurs dans lequel un escalier très massif en pierre est calé. Il se trouve devant l’entrée principale de la maison.
5. Tout ce qui est mis en oeuvre dans le mas va à l’essentiel, se veut fonctionnel, sans chichi.
Le premier espace construit du mas est la pièce commune au rez-de-chaussée. C’est là qu’on trouve le feu de la cuisine. Tout le monde dort là, mange là, vit là. Au-dessus, une grange est installée en hauteur. Le mas étant dans une plaine, il fallait garder les ressources à l’abri en cas d’inondation.
Le mas a ensuite été agrandi en hauteur et largeur. On a récupéré les mêmes pierres, on en a apporté d’autres et on a gardé les pans de murs qui pouvaient l’être.
Mais cette fois-ci, le propriétaire a engagé plus d’argent dans ses travaux en faisant appel à des professionnels. En effet, pour former les fenêtres, ce sont de gros blocs de pierre de carrière qui sont utilisés et non plus les arcs de décharge.
Et pour installer ces gros blocs, il faut un charpentier.
Le mode de vie de la famille du paysan a dû un peu changer car le premier étage est aménagé en chambre. En général, c’était soit le maître des lieux qui y dormait tout seul, soit le couple principal. Les autres membres de la famille (à part les bébés peut-être) restaient en bas.
Un grenier a été ajouté dans un deuxième étage toujours pour pouvoir mettre la production de la ferme à l’abri. Il est fortement probable qu’une première écurie ou étable ait été construite juste à côté de la maison, mais aucun indice ne me permet de deviner son ampleur.
Châteaurenard étant dans le cœur économique de la Provence agricole, le mas s’est sans doute beaucoup enrichi au point de s’agrandir encore dans un troisième temps. Un bâtiment reprenant les mêmes étages et continuant la toiture élance le mas dans un axe légèrement différent.
Cela a eu pour effet de considérablement agrandir le grenier, ce qui montre que le mas devait vraiment produire beaucoup.
Il est probable qu’il se soit passé beaucoup de temps entre la construction du premier bâtiment et celle de l’autre parce que les poutres les plus anciennes ont dû être remplacées alors que les plus récentes tiennent toujours.
Dans le mur on devine une grande ouverture au centre du premier étage qui devait être une grange.
Le rez-de-chaussée comprenait une étable (elle était encore là il y a 30 ans).
L’ancien propriétaire m’a indiqué que la grange de ce nouveau bâtiment est devenue le lieu de sommeil des employés agricoles du mas. Cela explique sans doute que des extensions aient poussé sur les côtés. L’une comporte un mur ancien en terre (ou pisé : c’est fragile mais techniquement admirable) et devait abriter un poulailler ou des cages à lapins. L’autre est conçue avec très peu de soin ce qui me laisse penser que dans les années 1930 ou 1940, le propriétaire avait besoin d’un lieu pour ranger ses engins agricoles. Mais je n’arrive pas à expliquer la chronologie de ces deux ouvertures de plain-pied au premier étage.
Quant à la couleur, elle correspond à un enduit très vieux.
Les mas étaient toujours crépis avec soin. Voir les pierres apparentes à l’intérieur ou à l’extérieur donnait un sentiment d’inachevé (comme si vous laissiez les blocs de béton à nu dans votre salon). D’autre part, cela ajoutait une isolation tout en protégeant la maçonnerie.
De l’ocre était utilisée dans la dernière couche, mais aussi de la tuile écrasée ce qui augmentait l’adhérence du mortier en accentuant ces couleurs chaudes. Dans d’autres cas, la couleur du mas était aussi fonction de la couleur du sable utilisé (un peu plus jaune par exemple).
Chaque année pendant les périodes où les travaux agricoles étaient moindres, on prenait soin de la maison en rajoutant une couche de badigeon à la chaux. Cela renforçait et assainissait l’enduit.
Il y a bien d’autres aspects à aborder pour comprendre la magie du mas provençal…