Cette idée d’article m’est venue alors que je cherchais dans mon appartement XXe siècle un endroit propice pour conserver des fruits et des légumes, lasse de les manger trop froids ou de les voir moisir trop vite. Et je ne l’ai toujours pas trouvé.
Les provençaux de l’ancien temps mangeaient bio, sans conservateur chimique et sans réfrigérateur. Pourtant, ils arrivaient à conserver du raisin et des melons jusqu’en décembre (je pense aux treize desserts de Noël).
Il existe des glaciaires cachées dans le terroir (cf. la glacière de la Sainte Baume). Mais cette glace acheminée vers le centre-ville était vendue dans la rue à la criée, ou en livraison. Pour le quotidien, elle n’était utilisée que ponctuellement.
Alors comment faisaient-ils?
Tout d’abord, on vivait dans des maisons où on pouvait trouver l’obscurité, la fraîcheur et la sécheresse.
La lumière du soleil est l’ennemie de la conservation. Or la cuisine et les celliers étaient sombres. Sur les très vieilles maisons de village, on trouve de toutes petites fenêtres. Sur les maisons agricoles ou sur les trois fenêtres, les volets étaient croisés. Cela protégeait des dégradations du soleil, notamment l’huile d’olive qui elle-même était un conservateur d’autres aliments. Je me souviens que chez ma grand-mère, les volets de la cuisine étaient toujours croisés, été comme hiver.
Les caves étaient faites pour rester fraîches et stables en température, ce qui permettait de faire du vin, ou le cas échéant de faire du fromage. Les greniers permettaient de garder au sec.
L’emplacement des pièces (parfois des pièces sans aucune fenêtre) de la maison était réfléchi, mais ce sont surtout les larges murs en pierres, maçonnés à la chaux, qui agissaient comme isolant thermique, tout en laissant respirer la maison.
La maison n’était pas la seule à conserver. C’était un mode de vie, du temps, des techniques…
Les aliments conservateurs sont (et ce n’est pas un scoop) :
Le vinaigre, l’huile, le sel et la saumure, le sucre, l’alcool …
C’est pour cela que les cuisines étaient jonchées de pots en terre cuite dans lesquels des aliments macéraient au sein de ces liquides. On pouvait trouver des œufs calés dans de la cendre ou de la paille, dans des jarres ou des coffres.
La fermentation est aussi un mode de conservation : fabriquer du fromage permet de conserver les calories du lait.
D’ailleurs, si la matière grasse principale était l’huile d’olive, on pouvait quand même consommer un peu de beurre. Celui-ci était conservé dans un beurrier qui isole le beurre de l’air grâce à l’eau (Empereur en vend). Cela évite qu’il rancisse, qu’il prenne des goûts ou qu’il fonde en été.
Pour la viande, faire de la charcuterie est évidemment un moyen de la conserver grâce à du sel et quelques épices, ou parfois grâce à la fumée. La Corse nous indique des techniques de conservation beaucoup plus rustiques et sans doute ancestrales : la misgiscia (il y a quantité de variations de ce terme). Il s’agit de découper des bandes de viande (de bœuf/vache, chèvres, brebis) que l’on fait sécher au soleil pendant plusieurs jours.
Il existe plusieurs variantes. On sale la viande avant de l’exposer ou on la fait tremper dans du vin ou du vinaigre salé avec des plantes aromatiques. Cela a pour fonction d’éloigner les mouches pendant le séchage. Pour la consommer, il fallait évidemment la dessaler et s’accrocher à ses dents. Après on la faisait griller, on la mangeait en ragoût ou même crue…
Les fruits sont également mis à sécher :
tomates séchées (source de goût, de vie, de bonheur), figues, prunes, abricots…
Pour faire sécher du raisin, on ébouillante des grappes sélectionnées dans une eau parfois aromatisée ou contenant de l’huile d’olive pour tuer les germes, puis on les installe sur des claies. Au bout de quelques semaines, les grappes passent quelques heures dans un four tiède.
Pour garder le raisin frais, apparemment, il faudrait mettre de la cire sur les bouts de la branche de la grappe, ou mettre ces derniers dans un verre d’eau.
Reste la conservation au sucre : compotes, confitures, fruits confits… Mais ça, on connait bien.
Je regrette que les moyens de conservation des aliments au sein des maisons contemporaines ne soient qu’une prise électrique dans la cuisine pour brancher le frigo. Ce serait super si on avait des caves et des greniers intelligemment aérés. Je suis sûre qu’on gaspillerait moins et qu’on dépenserait moins d’énergie.
Article très intéressant qui ouvre de nouveaux horizons pour vivre autrement et de façon plus saine.
Ce blog en général est très pédagogique et très bien illustré.
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