Les aménagements des cuisines provençales


confiture_marseillaise_patrimoine_potager_provencal_cuisine_poterie_bdLa cuisine en Provence, tout un poème! Les cuisines d’appartement ne sont pas les mêmes que les cuisines des mas et des maisons. Toutefois, des points communs se détachent.

Voici quelques éléments qui caractérisent ces anciennes cuisines.

  • Si on cuisine dans les cheminées au sein des maisons pauvres, une des particularités des cuisines provençales est le potager : un plan de travail supporté par des jambages qui rehaussent les feux de cuisson et qui se veut très fonctionnel.

potager_tout_nu_coloLes potagers peuvent être aussi simples qu’élaborés, contenir un ou plusieurs feux, un four, des rangements pour la vaisselle, pour le bois et surtout un récupérateur de cendres qui sont réutilisées pour laver le linge.

feu_de_potager_coloLes foyers sont des trous dans lesquels on met des braises (celles-ci peuvent venir de la cheminée ou être faites directement dans le potager). On place par-dessus une grille qui viendra supporter le plat. Pour régler la température, on éloigne le plat des braises par un trépied si on veut la baisser, ou on le rapproche si on veut qu’elle augmente.

Le potager peut contenir un four maçonné sous les foyers. Dans d’autres cas le four pouvait être en céramique, indépendant de la cuisine : il se présente comme une grosse marmite dans le fond de laquelle on place des braises, puis le plat à cuire au niveau supérieur et le tout est fermé permettant la cuisson.

Que ce soit une cheminée ou un potager, on range sur le manteau ou la hotte ce qui doit rester au sec, c’est-à-dire les boites contenant le café, le sucre, la farine, le sel etc. Toutefois, la farine et le sel, ingrédients hautement symboliques, peuvent être rangés dans des boites ouvragées, potentiellement suspendues au mur.

  • Il y a peu de bois mais beaucoup de chaux et d’argile dans le terroir. Du coup, tous les rangements qui peuvent l’être sont maçonnés.

etagere_maconnee_coloCette caractéristique donne aux cuisines provençales un aspect assez moderne rappelant vaguement les volumes des cuisines contemporaines. Les rangements sont intégrés aux murs. Il existe quelques meubles, mais ils sont de moindre importance par rapport à la présence des placards maçonnés, des niches dans les murs et des éléments de cuisine montés sur des jambages.

Pour en voir une dans son jus, vous pouvez regarder la cuisine d’Honorine dans le film Fanny de Marcel Pagnol (1931). Un délice ! (D’autant plus qu’elle n’est pas très bien rangée et ça la rend vivante <3)

  • L’inénarrable pile, en pierre de Cassis fait office d’évier, d’abord sans aucune tuyauterie, puis au fur et à mesure équipée d’une évacuation, puis d’une arrivée d’eau.

pile_coloLa pile est une grosse plaque de pierre creusée d’une dizaine de centimètre et posée sur des jambages comportant des rangements dessous. La pile va de pair avec le tian. Le tian  (qui donne son nom à un délicieux confit de légumes) est une sorte de bassine à tout faire, en terre. Il est plus profond que le trou de la pile, ce qui explique le fait qu’une pile, même avec de la tuyauterie, est aujourd’hui moins fonctionnelle qu’un évier normal puisqu’elle n’est pas profonde. À l’origine, elle était faite pour récupérer un peu d’eau d’éclaboussure, mais pas pour faire office d’évier à proprement parler.

La pile est généralement placée près de la fenêtre pour évacuer l’eau sale : soit en la jetant dans la rigole après avoir crié la formule d’usage (très sympa…), soit par un conduit maçonné.

  • Les éléments qui apportent de la couleur à la cuisine sont les carreaux utilisés pour protéger les murs et les surfaces, ainsi que la terraio, c’est-à-dire tous les ustensiles de cuisine conçus en terre vernissée.

Les murs des maisons sont enduits par un crépi à la chaux puis d’un lait de chaux ce qui leur donne un touché poudreux. Il est donc nécessaire d’isoler les coins où le gras et l’eau vont gicler pour limiter l’usure des murs. On utilise des carreaux vernissés en terre rehaussés par les couleurs des ocres. Ces carreaux sont en général rouges, jaunes, ou verts (mais pas bleu lavande!).

pots_terraio_coloIl en va de même pour la terraio commune. Toutefois, la Provence ayant un passé de grande productrice d’objets en terre cuite, les artisans ont produit de beaux objets colorés, très décorés, pour les gens riches.
En tout cas, ces pots en terre de toutes tailles ainsi que les objets de cuisson et de vaisselle sont très présents dans la cuisine parce que sans réfrigérateur, on utilise d’autres moyens de conservation comme le vinaigre et la saumure. De fait, les produits sont contenus dans ces pots disposés dans la cuisine.

tissus_hote_coloLa cuisine contient aussi des éléments en tissus. On peut imaginer bien sûr des rideaux aux fenêtres. Il y avait des nappes pour protéger les tables et je me pose la question de leurs couleurs. Car certes pour un repas de fête, on pose trois nappes blanches sur la table avec la symbolique chrétienne de la Trinité, le blanc pur des linges de naissance (Noël, naissance de Jésus). Mais au quotidien, est-ce qu’on utilise des nappes blanches sur lesquelles on voit la moindre tache ou est ce que l’on privilégie le tissu à motifs rendant les taches moins visibles ? Après tout, pour s’habiller, on utilise des petits motifs fleuris sur fond noir pour pouvoir se tacher discrètement… Les dessus de cheminées pouvaient aussi être décorés d’une bande de tissus dont j’avoue ignorer la fonction et la symbolique s’il y en a une. Je suppose que cela devait vite se salir. Bref, un autre recherche sur les textiles d’ameublement se profile. 

 

Le cabanon

cabanon_males_colo (500x279)S’il fallait donner une définition du cabanon à Marseille, je dirais que c’est l’art de se satisfaire de bonheurs simples. Il se rapproche plus du patrimoine immatériel que d’un patrimoine bâti à proprement parler (il n’y a pas vraiment d’unité architecturale en plus). Toutefois, précisons qu’il existe le cabanon près de la mer tel qu’on le montre au monde depuis plus d’un siècle et le cabanon dans les terres dont on parle moins, mais qui a formé des quartiers entiers à flanc de colline. Celui-ci a disparu parce que les usages de villégiature ne sont plus les mêmes qu’avant, ou s’est pérennisé en vraie habitation du fait du développement des transports.
Bref, aller au cabanon est une pratique de jour de congé. On y va pour profiter du beau temps, s’occuper des plantes (les cabanons des terres avaient souvent un potager), pêcher, passer du temps avec les amis, se baigner… être au calme face à un beau paysage.

Pour revenir aux origines du cabanon, il y a plusieurs pistes à suivre.

La cabane de pêcheur

Sous l’Ancien Régime, les pêcheurs avaient le droit de construire sur le domaine public maritime, c’est-à-dire sur la côte. Ces constructions étaient alors considérées comme un outil de travail pour la petite pêche côtière et permettaient de se mettre à l’abri en cas de mauvais temps. Le cabanon était au pêcheur ce que le jas était au paysan: un lieu pour ranger des outils, pour pouvoir se reposer et être sur place la nuit ou aux aurores quand il le fallait.

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La Madrague

 

La maison du pauvre

Le cabanon est aussi devenu, petit à petit, une habitation quotidienne pour les familles pauvres. Marseille connaît à partir du XVIIIe siècle diverses vagues d’immigration, comme les pêcheurs catalans et italiens. Très pauvres et liés aux métiers de la pêche, il est fort probable qu’ils se soient installés dans des cabanons.

Un événement a aidé le phénomène: il s’agit du percement de la rue Impériale, aujourd’hui rue de la République. Construite dans l’épaisseur d’une colline, la rue Impériale a nécessité la destruction de plus de 900 maisons de la vieille ville et de 61 rues. La population qui vivait dans les maisons détruites a été obligée de trouver un autre lieu d’habitation. Une grande partie d’entre elle a pu aller vers le sud de la ville, là où il n’y avait alors ni villa ni bastide : au bord de la mer (l’actuelle Corniche Kennedy et les plages avant leur aménagement dans les années 1970).

Si cela a donné l’occasion à des populations pauvres de s’installer au bord de mer, ce n’est pas vraiment une chance. En effet, des photos d’archives montrent des cabanes sommaires. L’hiver, les jours de Mistral, les jours de tempêtes, on peut imaginer l’insalubrité, la précarité et la dangerosité de ces habitations. Au final, il s’agissait d’une sorte de bidonville au soleil.

Au fil du temps, les populations bourgeoises ou nobles ont fait construire leurs villas juste au-dessus de ces cabanons attaqués par la mer. Cela a contribué à chasser les cabanons plus loin sur la côte.

D’autre part, au XIXe des industries lourdes poussent d’abord en centre-ville, puis aux périphéries. Les ouvriers habitent non loin de leurs usines dans de modestes maisons plus ou moins proches du format du cabanon. C’est là où demeure une ambiguïté : le cabanon est un lieu d’habitation des ouvriers, mais sans doute aussi un poumon. C’est-à-dire que  ces hommes respirent des vapeurs toxiques toutes la journée et ils cherchent sans doute un endroit sain et agréable où vivre quand ils ne sont pas à l’usine.

Une villégiature populaire

dormeur01_colo À la fin du XIXe siècle, le cabanon devient vraiment l’expression consacrée de la villégiature des personnes ni riches ni pauvres.

Jusque dans les années 1920, le cabanon est vu comme un lieu d’hommes célibataires, un lieu de réjouissance. On pratique la pêche de loisir, on joue aux cartes à l’ombre d’une treille et surtout, on mange bien.

La cuisine du cabanon prend ce caractère masculin qu’elle conserve pendant très longtemps, si ce n’est encore aujourd’hui. Elle est la plupart du temps grillée. L’aïoli, la bouillabaisse et la bourride célèbrent la virilité de ceux qui la font avec des goûts forts et épicés.

Quand il s’agissait encore majoritairement de groupes d’hommes qui se réunissaient ensemble, le cabanon était réputé sale. On y mettait très peu de meuble. On s’habillait avec des vêtements usagers voire déchirés (ce qui à l’époque était plutôt choquant)…

Vers 1920, les femmes commencent à venir au cabanon en été. Au fil des mariages de ces jeunes hommes, chaque couple prend un cabanon individuel, idéalement proche de celui des autres. L’entrée de la famille au cabanon en finit avec les rigolades de jeunes mâles célibataires et change certaines attitudes.

La présence des enfants exige aussi l’amélioration du confort et de l’hygiène. Le cabanon passe progressivement d’un refuge négligé abritant un groupe d’hommes, à un petit foyer aménagé très simplement.cabanonfamille018COULEUR

La généralisation des congés payés en 1936 change totalement la donne. Le cabanon devient un lieu familial.

La seconde guerre mondiale a donné des besoins de récréation à la population marseillaise (ailleurs aussi sans doute) et a contribué à l’augmentation de la fréquentation des cabanons. Reste à définir ce qu’est le cabanon aujourd’hui, mais je ne m’y risquera.

La maison de village

maison_village_ext_bonhomme_coloPar maison de village, j’entends un petit immeuble d’un ou deux étages comprenant une ou deux fenêtres par étage en façade.

On dit souvent que Marseille est le résultat du regroupement de dizaine de petits villages. C’est cela qui donne à ses quartiers leurs caractères propres. De ce fait, entre les constructions contemporaines et les trois fenêtres, on trouve ces maisons plus modestes et plus anciennes qui ont l’air de sortir d’une crèche. C’est bien sûr dans ce qui reste de la vieille ville, le quartier du Panier, qu’on en trouve le plus. Les maisons du Panier suivent un tracé cadastral médiéval qui s’appuie lui-même sur les routes antiques. Les rues et les parcelles sont donc petites. La façade est réduite et l’immeuble relativement profond.

facade_maison_village_couleurToutefois, les maisons de village qui sont plus en périphérie de la ville ont généralement un peu plus de place pour la façade, mais restent modestes parce qu’il s’agit d’habitat rural au sein d’un hameau. Il ne faut aussi pas les confondre avec les petites maisons d’ouvriers qu’on trouve en concentration autour d’une ancienne usine par exemple. Et comme ces usines ont été délocalisées à l’extérieur de la ville au cours du XIXe siècle, il est difficile de s’y retrouver. Il arrive que l’on se retrouve face à des réutilisations de bâtiments au fil des siècles, à la démolition et reconstruction avec les pierres du bâti démoli etc… ce qui peut induire en erreur ou rendre la lecture de la maison illisible.

En tout cas, le principe général de la maison de village est de conserver les fonctions d’un habitat rural sur une petite surface. On retrouve ces problématiques dans les villes et villages provençaux. Elles sont en fait adaptées à un mode de vie lié à l’agriculture et à l’artisanat, qui date à peu près de l’époque moderne.

La cave

Il arrive que des caves contiennent un accès à l’eau et parfois un lavoir, du moins à Marseille. Mais en général en Provence, la cave est faite pour faire du vin. Une cuve y est maçonnée de façon à y verser le raisin écrasé par le dessus et récupérer le jus fermenté par le dessous. Ce jus était ensuite mis en tonneaux à côté de la cuve. C’est important parce que le terroir marseillais a très longtemps produit un excellent vin. C’était une des principales richesse de la ville.

Le rez-de-chaussée

L’agencement du rez-de-chaussée dépend de la nature du travail des habitants.

Sont-ils des agriculteurs ? Des artisans ? Des commerçants ?

Dans le cas de l’agriculteur qui aurait donc ses champs ou ses bêtes en dehors du village, il y range ses outils (et il y en a un paquet). Pareil pour un pêcheur. Le lieu peut aussi faire office d’écurie, d’atelier quand le cas d’un artisan, de boutique dans le cas d’un commerçant.

Cette pièce peut aussi contenir une petite pièce noire de stockage dans laquelle on place les jarres d’huile d’olive en terre cuite, c’est à dire ce que la richesse de la famille pour une année.

Le premier étage

Divisé entre la surfaces des escaliers et celle de la cuisine qui fait office de pièce à vivre principale, le premier étage accueille le feu de la maison, que ce soit une cheminée ou un potager.

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Le deuxième étage

C’est là où on dort. Est-ce qu’une famille nombreuse dort dans une même pièce ? Je ne sais pas trop et je doute de cette idée bien qu’au Moyen Âge, cela se faisait. Il y a des chances pour qu’on ait pu répartir les gens un peu de partout dans la maison : en laissant le maître, ou le couple principal et les enfants en bas âge dans ce 2e étage, en répartissant les enfants plus grands et les aides dans le reste de la maison (dans l’écurie, dans la cuisine, dans le grenier…).

Après tout, dans Angèle (film de Marcel Pagnol 1934), on voit Amédée, l’aide agricole, dormir dans un four…

Le grenier

maison_de_village_grenier_colo2Ce que l’on peut faire dans un grenier dépend de la toiture du bâtiment. En effet, la toiture peut reposer sur une génoise maçonnée, ce qui va en faire une pièce fermée et relativement isolée. Mais le toit peut aussi s’appuyer sur les murs en faisant dépasser les chevrons vers l’extérieur. (Les chevrons sont de longues pièces de bois qui sont perpendiculaires aux poutres du toit, et qui soutiennent grosso modo la maçonnerie des tuiles.) Bref, quand les chevrons dépassent, le grenier est offert aux vents, ce qui peut en Provence s’avérer précaire et dangereux. Cependant, avoir beaucoup d’air dans son grenier permet aussi de faire sécher des fruits, des légumes, de la charcuterie, du poisson pour les saisons suivantes. C’est donc là qu’on entrepose les produits qui doivent être maintenus loin de l’humidité. On peut aussi y entreposer du foin grâce à une grande ouverture dans le mur et une poulie.

Les appartements des 3 fenêtres

Les appartements marseillais des 3 fenêtres sont à l’origine presque tous agencés de la même façon bien qu’il y ait parfois des variantes en fonction de leur époque de construction.

Il s’agit d’un appartement traversant, comprenant deux chambres, une salle à manger, une cuisine, une ou deux alcôves et une ou deux pièces noires qui font souvent offices aujourd’hui de salle de bain.

Les chambres donnent sur la rue, la cuisine et le salon donnent sur la cour et assez souvent, sur un tout petit balcon. Au milieu de l’appartement la porte d’entrée s’ouvre dans un couloir plus ou moins large qui distribue toutes les pièces.plan_trois_fe_colore

Il contient en général de nombreux rangements intégrés aux murs, ainsi que l’éminent cafoucho (cagibi dans lequel on peut mettre quantité de choses).

La chambre principale et la salle à manger contiennent des alcôves ouvertes et/ou fermées que l’on voit parfois encore si l’appartement n’a pas subi trop de travaux. Dans la chambre, l’alcôve constitue un renfoncement des murs pour accueillir le lit. Dans la salle à manger, il arrive que l’alcôve soit une pièce noire à côté d’un placard fermée par une porte. En outre, j’ai plutôt observé ce type d’alcôve dans les 3 fenêtres anciens ou modestes.

On ressent dans ces appartements la nécessité de coucher un maximum de monde, tout en préservant l’intimité.

Il n’existe pratiquement plus de cuisine ancienne dans les 3 fenêtres. Et on le comprend ! Dans les premiers immeubles construits, il n’y avait pas l’eau courante, parfois pas d’évacuation et encore moins le gaz et l’électricité. De fait, les cuisines ont suivi les évolutions technologiques et ont abandonné leur potager (là où on fait cuire la nourriture, pas le jardin) ou leur cuisinière à charbon. Pour l’eau courante, les piles (l’évier) en pierre de Cassis, ont bien réussi grâce à leur simplicité, à s’adapter à l’arrivée des robinets et des évacuations. On en voit donc encore beaucoup, bien que les propriétaires actuels les déposent malheureusement trop souvent.

En outre, la cuisine, haute sous plafond accueille un rangement maçonné (encore appréciable aujourd’hui!), ainsi qu’une soupente (ou suspente selon ma maman <3) qui s’appuie sur ce dernier. La soupente est un rangement en hauteur, large et difficilement accessible sans escabeau. Si aujourd’hui on y range des cartons avec la pierrade qu’on n’utilise jamais, la machine à raclette et autres machins encombrant la cuisine, à l’époque il a pu arriver apparemment qu’on y fasse dormir un gamin.

Bref, d’étages en étages, les 3 fenêtres (dont les baies [j’aime placer du vocabulaire] sont d’ailleurs assez grandes) sont tous à peu près les mêmes.

Deux fenêtres pour la chambre principale, une pour la petite chambre.

Deux fenêtres pour le salon, une pour la cuisine.

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D’où viennent les 3 fenêtres ?

face_3fe_modeste2couleurTypiquement marseillais, l’immeuble 3 fenêtres est pratiquement partout. La construction de ces immeubles débute vers le milieu du XVIIIe siècle et court jusqu’au début du XXe. On peut donc en voir dans les zones qui ont été urbanisées au cours du XIXe. Il est moins présent autour du port (ou c’est soit trop récent, soit trop ancien), ainsi dans les extrémités actuelles de la ville.

L’origine de ce format est un peu floue pour moi. Difficile de trouver une raison probable parmi tout ce qui se dit et l’absence de source (pour le moment en ce qui me concerne).

Le plus souvent, on entend dire que quand Marseille arrêta les galères au profit de Toulon en 1781, l’arsenal situé sur le cours Estienne d’Orves s’est retrouvé avec quantité de bois de construction, notamment pour des mats de bateaux. Ces derniers auraient alors été utilisés comme poutre. Et leur longueur permettait une largeur de façade de trois fenêtres. Or, sachant qu’un immeuble 3 fenêtres de trois ou quatre étages (+ cave et combles) doit comporter plusieurs dizaines de poutres et que le port ne devait contenir peut-être qu’une trentaine de galères, je crois qu’il n’est pas raisonnable de penser qu’il y ait un lien de cause à effet. Il y a beaucoup trop d’immeubles 3 fenêtres pour la quantité probable de bois dans l’arsenal. Et quand bien même on aurait récupéré des poutres pour construire des immeubles, cela aurait donné quoi ? trois ? quatre ? cinq immeubles ? Ce n’est, je pense, pas assez pour lancer un style architectural.

J’ai aussi entendu que la largeur des façades des immeubles 3 fenêtres permettaient de lotir plus d’appartements sur une surface réduite. Certes, la maison toute en profondeur est lefacade_chave_3fe_1403 concept de l’habitat médiéval (en Provence du moins). Mais l’idée fonctionne pour un site réduit et délimité comme Martigues par exemple. À l’époque où on a commencé à construire ces immeubles, la ville s’arrêtait approximativement à Notre Dame du Mont/la Plaine. Ce n’était donc pas l’espace qui manquait. Le plus urgent était surtout de permettre à cette surpopulation de l’époque d’avoir un toit rapidement.

Dans Histoire Universelle de Marseille, Alessì Dell’Umbria dit qu’il s’agit d’une architecture janséniste. C’est-à-dire austère je suppose ? On préfère le confort intérieur, au détriment de la façade.

Et si on va par là, on peut voir ces trois fenêtres comme un rappel à la Trinité. Personnellement, je ne trouve pas ça illogique, d’autant plus que l’on retrouve cette simplicité dans le monde des bateaux marseillais et même dans certaines bastides. Toutefois et comme le dit lui-même Monsieur Dell’Umbria, ces 3 fenêtres ont été construits en masse par des promoteurs comme André Chave (du nom du boulevard, 1799-1868). Est-ce que des hommes d’affaire avides d’argent et d’expansion vont penser à la Trinité des 3 fenêtres pour lotir les anciens terrains agricoles ?

 

Bref, JE NE SAIS PAS. J’espère savoir un jour.