Marseille et l’eau : le Moyen Âge

ma_femme_qui_boit_eauContinuons cette histoire de l’eau à Marseille.

Le Moyen Âge est pour Marseille une période de stagnation relative. On a peur des attaques par la mer. Les villes du littoral se retranchent sur elles-mêmes. La population n’augmente pas et a tendance à rester dans le périmètre antique. D’autre part, il y a un petit recul des connaissances de navigation. On privilégie les étangs de l’intérieur des terres plutôt que la mer.

L’alimentation en eau des habitants est toujours suffisante, mais la qualité et l’abondance de l’eau est inégale sur l’ensemble de la ville. La question de l’eau suit les remous de l’histoire politique de la ville.

 

  • A partir de 950, une administration nouvelle se met en place sur ordre du comte de Provence. Marseille est confiée à Guillaume de Marseille. Il devient vicomte. Or son frère (Honoratus) est déjà évêque de Marseille.
  • Cette famille s’installe durablement en étant à la tête de deux centres de pouvoir : la vicomté et l’évêché. Par le lien d’oncle à neveux, l’évêché reste dans leurs mains  pendant trois générations.
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Abbaye Saint-Victor en 1791 (pardon pour l’anachronisme iconographique. Mais elle est belle non?)
  • D’autre part, en face de la ville se dresse l’abbaye Saint-Victor qui s’enrichit grâce à ses salines, à des donations et à l’entretien de ses multiples propriétés dans le terroir (comme Luminy par exemple).
  • Les vicomtes de Marseille s’allient politiquement avec l’abbaye en se mettant sous le patronage de Saint Victor.
  • L’abbaye prend une ampleur telle, avec l’appui des vicomtes, qu’au cours du XIe siècle, ses propriétés s’étendent de Catalogne jusqu’en Sardaigne. Elle obtient également le monopole de l’Huveaune (de Saint-Menet jusqu’à la mer), qui comprend les fontaines et les sources qui s’y jettent, ainsi que ses rives. Cela permet aux moines d’organiser l’irrigation de leurs terres, au détriment des autres paysans, mais aussi d’entreprendre la construction de moulins à eau.moine_huveaune_couleur
  • Au fil du temps, ce pouvoir féodal  et ces alliances commencent à courir sur le haricot des grands commerçants de la ville qui se voient freinés dans leur expansion économique. Ils arrivent à rester en recul du pouvoir des vicomtes (qui s’affaiblit) de sorte que la ville finit par être divisée en plusieurs centres de pouvoirs.
  • La ville haute est administrée par l’évêque, alors que la ville basse reste le terrain des riches commerçants. La ville basse est mieux alimentée en eau que la ville haute.
  • A partir de 1212, une confrérie se crée dans le but d’unir les habitants riches et pauvres. Il s’agit de la compagnie du Saint-Esprit, qui installe son siège à l’hôpital du même nom  (à l’actuel Hôtel-Dieu). Ils forment un pouvoir politique de plus en plus établi. Ce pouvoir prend progressivement la forme d’édiles (l’équivalent du pouvoir municipal) qui rachètent les droits féodaux aux vicomtes. Ils finissent par contrôler les réserves d’eau du terroir.
  • Face à de régulières pénuries d’eau, la ville épiscopale (haute) s’allie avec Charles Ier d’Anjou devenu comte de Provence. Cela exacerbe le problème.carte_ma_eau_couleur_legende
  • Charles II, fils de Charles Ier, amorce une résolution du problème de l’eau en demandant au Conseil de la Ville d’accorder la permission à la ville haute de construire un aqueduc. Or sa construction traîne en longueur parce que les édiles, en y mettant de la mauvaise volonté, ne veulent pas payer leur part des travaux. Cela dure plusieurs années jusqu’à ce que l’aqueduc soit finalement construit. Il amenait l’eau captée de sources de l’actuel quartier de La Pomme jusqu’à la paroisse Saint-Laurent, en passant par un bassin de décantation.
  • Cet aqueduc sera utilisé du XIIIe siècle jusqu’à la construction du canal de Marseille au XIXe siècle. Il reste une arche, visible à l’hôtel de la région PACA.
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Détail d’une vue de Marseille du début du XVIIe siècle. (Restons critique, cette vue est un peu fantaisiste.) 

 

Marseille et l’eau : la base et l’Antiquité