Les appartements des 3 fenêtres

Les appartements marseillais des 3 fenêtres sont à l’origine presque tous agencés de la même façon bien qu’il y ait parfois des variantes en fonction de leur époque de construction.

Il s’agit d’un appartement traversant, comprenant deux chambres, une salle à manger, une cuisine, une ou deux alcôves et une ou deux pièces noires qui font souvent offices aujourd’hui de salle de bain.

Les chambres donnent sur la rue, la cuisine et le salon donnent sur la cour et assez souvent, sur un tout petit balcon. Au milieu de l’appartement la porte d’entrée s’ouvre dans un couloir plus ou moins large qui distribue toutes les pièces.plan_trois_fe_colore

Il contient en général de nombreux rangements intégrés aux murs, ainsi que l’éminent cafoucho (cagibi dans lequel on peut mettre quantité de choses).

La chambre principale et la salle à manger contiennent des alcôves ouvertes et/ou fermées que l’on voit parfois encore si l’appartement n’a pas subi trop de travaux. Dans la chambre, l’alcôve constitue un renfoncement des murs pour accueillir le lit. Dans la salle à manger, il arrive que l’alcôve soit une pièce noire à côté d’un placard fermée par une porte. En outre, j’ai plutôt observé ce type d’alcôve dans les 3 fenêtres anciens ou modestes.

On ressent dans ces appartements la nécessité de coucher un maximum de monde, tout en préservant l’intimité.

Il n’existe pratiquement plus de cuisine ancienne dans les 3 fenêtres. Et on le comprend ! Dans les premiers immeubles construits, il n’y avait pas l’eau courante, parfois pas d’évacuation et encore moins le gaz et l’électricité. De fait, les cuisines ont suivi les évolutions technologiques et ont abandonné leur potager (là où on fait cuire la nourriture, pas le jardin) ou leur cuisinière à charbon. Pour l’eau courante, les piles (l’évier) en pierre de Cassis, ont bien réussi grâce à leur simplicité, à s’adapter à l’arrivée des robinets et des évacuations. On en voit donc encore beaucoup, bien que les propriétaires actuels les déposent malheureusement trop souvent.

En outre, la cuisine, haute sous plafond accueille un rangement maçonné (encore appréciable aujourd’hui!), ainsi qu’une soupente (ou suspente selon ma maman <3) qui s’appuie sur ce dernier. La soupente est un rangement en hauteur, large et difficilement accessible sans escabeau. Si aujourd’hui on y range des cartons avec la pierrade qu’on n’utilise jamais, la machine à raclette et autres machins encombrant la cuisine, à l’époque il a pu arriver apparemment qu’on y fasse dormir un gamin.

Bref, d’étages en étages, les 3 fenêtres (dont les baies [j’aime placer du vocabulaire] sont d’ailleurs assez grandes) sont tous à peu près les mêmes.

Deux fenêtres pour la chambre principale, une pour la petite chambre.

Deux fenêtres pour le salon, une pour la cuisine.

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D’où viennent les 3 fenêtres ?

face_3fe_modeste2couleurTypiquement marseillais, l’immeuble 3 fenêtres est pratiquement partout. La construction de ces immeubles débute vers le milieu du XVIIIe siècle et court jusqu’au début du XXe. On peut donc en voir dans les zones qui ont été urbanisées au cours du XIXe. Il est moins présent autour du port (ou c’est soit trop récent, soit trop ancien), ainsi dans les extrémités actuelles de la ville.

L’origine de ce format est un peu floue pour moi. Difficile de trouver une raison probable parmi tout ce qui se dit et l’absence de source (pour le moment en ce qui me concerne).

Le plus souvent, on entend dire que quand Marseille arrêta les galères au profit de Toulon en 1781, l’arsenal situé sur le cours Estienne d’Orves s’est retrouvé avec quantité de bois de construction, notamment pour des mats de bateaux. Ces derniers auraient alors été utilisés comme poutre. Et leur longueur permettait une largeur de façade de trois fenêtres. Or, sachant qu’un immeuble 3 fenêtres de trois ou quatre étages (+ cave et combles) doit comporter plusieurs dizaines de poutres et que le port ne devait contenir peut-être qu’une trentaine de galères, je crois qu’il n’est pas raisonnable de penser qu’il y ait un lien de cause à effet. Il y a beaucoup trop d’immeubles 3 fenêtres pour la quantité probable de bois dans l’arsenal. Et quand bien même on aurait récupéré des poutres pour construire des immeubles, cela aurait donné quoi ? trois ? quatre ? cinq immeubles ? Ce n’est, je pense, pas assez pour lancer un style architectural.

J’ai aussi entendu que la largeur des façades des immeubles 3 fenêtres permettaient de lotir plus d’appartements sur une surface réduite. Certes, la maison toute en profondeur est lefacade_chave_3fe_1403 concept de l’habitat médiéval (en Provence du moins). Mais l’idée fonctionne pour un site réduit et délimité comme Martigues par exemple. À l’époque où on a commencé à construire ces immeubles, la ville s’arrêtait approximativement à Notre Dame du Mont/la Plaine. Ce n’était donc pas l’espace qui manquait. Le plus urgent était surtout de permettre à cette surpopulation de l’époque d’avoir un toit rapidement.

Dans Histoire Universelle de Marseille, Alessì Dell’Umbria dit qu’il s’agit d’une architecture janséniste. C’est-à-dire austère je suppose ? On préfère le confort intérieur, au détriment de la façade.

Et si on va par là, on peut voir ces trois fenêtres comme un rappel à la Trinité. Personnellement, je ne trouve pas ça illogique, d’autant plus que l’on retrouve cette simplicité dans le monde des bateaux marseillais et même dans certaines bastides. Toutefois et comme le dit lui-même Monsieur Dell’Umbria, ces 3 fenêtres ont été construits en masse par des promoteurs comme André Chave (du nom du boulevard, 1799-1868). Est-ce que des hommes d’affaire avides d’argent et d’expansion vont penser à la Trinité des 3 fenêtres pour lotir les anciens terrains agricoles ?

 

Bref, JE NE SAIS PAS. J’espère savoir un jour.