Cachées par du lino ou déposées. Voilà le drame intime que vivent les tomettes depuis tant d’années. Je les trouve pourtant toujours très belles dans leur simplicité. Il me semble qu’on peut en parler comme d’un patrimoine local, même si on trouve des tomettes ailleurs en France. Aujourd’hui en Provence, elles sont en général dans les cages d’escaliers des 3 fenêtres où elles tiennent le coup tant bien que mal, mais aussi dans les anciennes maisons types bastides ou maison bourgeoise.
Ce sont des carreaux de bonne qualité, capables de tenir dans le temps, ce qui n’est pas le cas d’autres carreaux anciens. Les tomettes doivent leur solidité à la bonne qualité de l’argile qui doit être fine (la main de l’artisan aide aussi à augmenter cette finesse), à la longue cuisson qu’elles subissent et à leur forme hexagonale qui rend les angles plus solides à l’usage (c’est moins pointu).
Leur couleur rouge foncé était donnée par un bain d’eau et d’ocre avant la phase de séchage puis de cuisson. On en trouve d’autres couleurs comme au Palais des Papes
à Avignon. Mais cela résulte en général du goût et de la richesse du propriétaire. Le rouge foncé commun a toutefois beaucoup de nuances différentes. Ce sont des matériaux naturels, donc variables. Dans le cas de restauration, il est toujours difficile de retrouver la teinte exacte des autres tomettes encore en place.
D’autres formes existaient, notamment pour soutenir le toit, protéger les murs et les potagers (cuisine). On privilégiait des mallons (li maloun en prouvençau, mallon veut dire carreau en général) carrés ou rectangulaires et on les émaillait pour les protéger du contact régulier de l’eau et de la chaleur.
Ils constituent en fait une des grandes caractéristiques de l’habitat provençal qui utilise le moins de bois possible et privilégie la terre et la maçonnerie. Jusqu’au XVIe siècle environ, le sol des maisons populaires était soit sur de la terre battue, soit dallé de pierres, parfois de béton. Je n’ai aucune idée d’à quoi ce dernier pouvait ressembler. Peut-être un mélange de gravier avec de l’argile ou de la chaux, étalé sur le sol? Dans les trois cas, on était face à un problème d’hygiène car, la Provence étant venteuse et poussiéreuse, il devait être difficile de garder son intérieur propre. Les tomettes forment un sol lisse facile à nettoyer, qui tient au frais l’été. En ajoutant la proximité des lieux de production, c’était assez d’avantages pour qu’elles se généralisent dans la majorité des maisons.
Bref, des mallons conçus avec un matériau propre à la région, adaptés aux fortes chaleurs des étés bucco-rhodaniens, qui vont avec n’importe quelle déco… Alors pourquoi le lino?